Développement scientifique

Pour Gérard Simon, l’histoire des sciences recouvre un champ de recherche très étendu. Il le dit avec une constatation inédite et « dérangeante » : « ce n’est pas une histoire du vrai1». Le vrai, lui, n’a pas d’histoire, et est un critère trop peu discriminant : l’erreur est un élément essentiel dans le processus de développement scientifique. Et surtout, la vérité n’est pas une entité à découvrir, mais une construction dépendant d’un processus de complexification de la connaissance du réel : « Les énoncés scientifiques n’existent pas tant qu’ils ne sont pas explicitement formulés : ils ne préexistent ni dans un monde platonicien des idées, ni dans l’esprit divin d’un Créateur, ni même dans le grand livre de la Nature, qui, selon Galilée, aurait été écrit en langage mathématique. Ils portent sur des objets résultant d’une interconnexion entre des champs théoriques qui se sont différenciés et approfondis à des époques diverses, et qui permettent d’accéder à une abstraction plus généralisatrice et plus performante que ne l’étaient les champs qu’ils unifient. Mais ils n’ont pas par eux-mêmes d’existence, en dehors de la structure idéelle où ils prennent sens2 ».
L’historicité de la science a toutefois une frontière. Si c’est historiquement qu’elle se constitue, elle dégage tout de même des énoncés dont l’abstraction dépasse la précarité de la temporalité. Bien qu’il prône une historicisation profonde et refuse une vision téléologique, Gérard Simon considère qu’une abstraction purement scientifique est indépendante de contextes culturels, puisqu’elle peut être transposée, récupérée ou réincorporée dans des systèmes de rationalité ou des théories postérieures (les trois lois de Kepler en sont un exemple). Les présupposés philosophiques ou religieux qui inspirent les savants ne faisant pas partie des sciences constituées, ces dernières dans leur évolution finissent par en dévoiler les limites et ruiner les systèmes dont elles sont issues. Il existe bel et bien un « patrimoine proprement scientifique3 » ; ainsi, la science serait le seul exemple de l’activité humaine où le progrès soit un fait indéniable.
[1] Gérard Simon, Sciences et histoire, op. cit., p. 174.
[2] Gérard Simon, Sciences et histoire, op. cit., p. 176.
[3] Gérard Simon, Sciences et histoire, op. cit., p. 38.