L'ethnographe de Kepler

Gérard Simon fut un spécialiste de Johannes Kepler (1571-1630). Dans sa thèse, Structures de pensée et objets de savoir chez Kepler (1976), il analysa les structures métaphysiques et religieuses de son œuvre savante en tant que dimensions inhérentes et absolument nécessaires à une manière historique d’être scientifique. Son approche, inédite, constitua une rénovation de la manière d’aborder l’astronome allemand, ainsi qu’un apport précieux au développement méthodologique et théorique de l’histoire des sciences pratiquée en France.

Il a traité son objet d’étude en historien et en philosophe des sciences, encadrant son analyse par une approche ethnographique susceptible d’aborder des cadres intellectuels dont il mit en évidence la profonde altérité avec nos formes de rationalité contemporaines. Sa posture était que la science képlérienne a reposé sur des théories et des structures métaphysiques qui ne sont plus les nôtres, mais qui, à un moment donné, ont constitué un corpus opératoire et fertile. L’objectif était de montrer la cohérence magistrale des théories de Kepler qui, à la lumière d’un regard épistémologique contemporain (et par là anachronique), ont suscité souvent des interprétations biaisées du savant comme un personnage ambivalent aux idées fluctuant entre scientificité moderne et une pensée irrationnelle irrecevable.
Cependant, et Gérard Simon le montra avec éclat, ce n’est qu’à partir d’un cadre métaphysique et religieux, mis à l’écart par nombre d’historiens, que le génie képlérien pouvait se déployer.

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