Le monde de Kepler
La bibliothèque de Gérard Simon, et plus largement les fonds du CAPHÉS, contiennent l’intégralité de l’œuvre de Kepler ainsi qu’une bibliographie exhaustive sur l’astronome. Ses travaux fondamentaux, ceux dans lesquels il a dégagé le patrimoine scientifique qui lui a survécu, sont le Mysterium Cosmographicum (1596), l’Astronomia Nova (1609) et l’Harmonices Mundi (1619).
Kepler fut un tenant de l’héliocentrisme, mis en avant par Copernic dans son De revolutionibus orbium celestium en 1543, cinquante ans avant le Mysterium Cosmographicum. La démarche scientifique de l’astronome allemand impliquait la nécessité d’une corrélation rigoureuse entre ses explications et les faits observés, ce qui l’amena à formuler et à abandonner successivement différentes théories et modèles d’explication du système solaire. Il serait cependant maladroit de voir ici l’avènement d’un esprit authentiquement « moderne », puisqu’il ne refusa jamais le principe selon lequel la configuration de l’univers répondait nécessairement à la perfection de la Création : le Verbe divin devrait être interprété d’un côté dans les écritures et de l’autre dans « le grand livre de la nature », sa manifestation en acte. Le système solaire, conçu comme une sphère close, symbolisait pour Kepler la Trinité divine : le père au centre (le soleil), la surface étant le fils et l’espace entre les deux l’esprit saint.
Les a prioris métaphysiques de Kepler conditionnent la manière dont il pouvait penser les objets qu’il abordait. Lui vivait dans un monde aristotélicien organisé par la combinaison entre quatre éléments essentiels (le feu, l’eau, la terre et l’air) et quatre qualités premières (chaud, humide, froid et sec). Tant le vivant comme la matière inerte dépendaient de combinaisons quantitatives entre ces éléments, et cela impliquait que la différence entre l’un et l’autre soit de degrés sans distinction tranchée. C’est pour cela qu’il considérait que le soleil était l’âme du monde, c’est-à-dire une entité douée de vie et d’intelligence, ce qui est plausible dans la mesure où ses propriétés sont les mêmes que celles qu’on pouvait observer chez les êtres vivants : chaleur et mouvement. En plus, ceci lui permit d’expliquer que le soleil exerçait une force motrice sur les objets célestes : les principes aristotéliciens impliquaient que tout mouvement a un moteur, et il ne disposait pas du principe d’inertie de la mécanique classique (la notion galiléenne d’inertie permit postérieurement de caractériser un mouvement non pas par sa vitesse mais par son accélération). Ainsi, la Terre et les planètes avaient elles aussi une âme, ce qui expliquait leur trajectoire, issue d’une attraction magnétique psychique de la part du soleil et d’une faculté intellective et géométrique de calculer leur propre parcours.

[1] Gérard Simon, Kepler, astronome astrologue, op. cit., p. 13. [2] Gérard Simon, Kepler, astronome astrologue, op. cit., p. 12 [3] Gérard Simon, Kepler, astronome astrologue, op. cit., p. 86.
